Deux seigneuries
occupaient jadis l'entrée
du Bassin d'Arcachon : celle de Lège au Nord, celle
de La Teste de Buch au Sud. L'histoire de ces deux
seigneuries, celles qui apparurent à des dates les
plus anciennes, est connue pour l'essentiel.
Par contre, l'histoire
des autres territoires qui entourent le Bassin resta
longtemps inconnue. On ne trouve à leur sujet, dans les
ouvrages spécialisés sur l'histoire régionale, que
des mentions éparses, fragmentaires et pas toujours
exactes. Ducaunés-Duval, archiviste de la Ville de
Bordeaux, étudia bien le passé d'Andernos et lui
consacra une plaquette, mais cette étude est, elle
aussi, incomplète. Ducaunés-Duval, en effet, déclare
ne rien pouvoir dire sur les origines d'Andernos ni
sur la période antérieure à la fin de la guerre de
cent ans.
Ainsi le passé de six communes reste à explorer, celui du Teich,
Biganos, Audenge, Mios, Lanton et Arès.
Nous ne nous intéresserons ici qu'à l'histoire civile, c'est-à-dire
l'histoire des fiefs et seigneuries et non à l'histoire religieuse,
c'est-à-dire celle des paroisses. C'est en effet, par rapport à la
chronologie de ceux qui ont possédé la terre, levé les impôts, rendu
la justice et assuré l'ordre public qu'il est le plus logique de
situer les faits les plus marquants de notre histoire locale.
L'organisation du
territoire en paroisses remonte à l'implantation du
christianisme. Le terme : Pays de Buch correspond à
peu près aux limites de l'éphémère Evêché des Boïens
qui avant 506 avait déjà disparu. Depuis cette
lointaine époque, les limites de ces paroisses
restèrent immuables ou presque, et les limites des
communes fixées au moment de la Révolution sont
celles des anciennes paroisses et nullement celles
des Seigneuries.
L'organisation civile,
en seigneuries et fiefs, est beaucoup plus récente.
Elle est née au milieu du Moyen-âge et les premières
familles seigneuriales de Guyenne apparaissent aux
10e et 11e siècles. Dans tous les cas, ces familles
résident dans un château fort ou un ouvrage
fortifié. Pendant tout le haut Moyen-âge, la règle
était qu'il n'y avait pas de seigneur sans château,
et on va voir, en effet, que les premières
seigneuries du Pays de Buch se sont constituées
elles aussi, autour d'un château fort.
Si la structure
religieuse est stable, la structure civile ne l'est
pas du tout et c'est pourquoi son étude est difficile.
Le fief est l'élément essentiel du patrimoine : on
en hérite, on le vend, il s'accroît, et il se
subdivise selon les circonstances familiales ou les
aléas du moment.
En 1500,
l'organisation des Seigneuries en Pays de Buch est à peu près
stabilisée et l'immense «
Seigneurie de Buch et de
Certes
» vient d'être scindée en deux captalats.
Cette organisation de 1500 ne se transformera guère
jusqu'à la Révolution. On va voir ce qu'elle était
en 1500 par rapport aux paroisses :
1°)
Lège
: La
paroisse est aussi une seigneurie, sous réserve du
fief de Ignac qui dépendait d'Andernos.
2°)
Andernos : la paroisse est divisée
en deux :
- au
sud, autour du village et de l'Eglise, une petite
seigneurie de faibles dimensions, à peu près
équivalente à l'actuelle commune, de forme
triangulaire, sa pointe dirigée vers l'Est dans la
lande.
- Au
nord, le reste de la paroisse occupée par le village
d'Arès, mais ce village constitue avec les villages
de Saumos, Sautuges et Le Temple, un groupe autonome
qui appartient à la seigneurie de Blanquefort.
3°)
Audenge : la paroisse, comme celle
d'Andernos, est divisée
en deux et de la même manière. (Cette analogie de
forme et de division n'est évidemment pas un fait du
hasard).
- Au sud, autour du
village et de l'église, la petite baronnie
d'Audenge, encore plus petite
qu'Andernos et elle aussi de forme triangulaire avec
sa pointe à
l'est dans la lande.
- Au nord, le village
de Certes avec son château féodal, siège d'un
immense territoire qui enveloppe Audenge, contourne
Arès et Lège pour aboutir à l'Océan entre Le Porge
et Lège. Il englobe une partie de St-Jean
d'Illac
et aboutit à Croix d'Hins et au Puch sur la route de
Bordeaux à Bayonne.
4°)
Lanton : est paroisse et dépend
en totalité de la seigneurie ou captalat de Certes.
5°)
Biganos, Mios, Lamothe, et Le Teich se
trouvent dans la même
dépendance. Plus au sud. Salles est à la fois
paroisse et seigneurie ; plus au nord, Le Porge
est un fief mouvant de la seigneurie de
Castelnau de Médoc pour sa plus grande partie.
En 1500, après
plusieurs évolutions, regroupements et scissions,
les territoires
situés sur le pourtour du Bassin étaient partagés
pour l'essentiel, entre cinq propriétaires
seulement, qui étaient tous des seigneurs hauts
justiciers : |
Audenge, Andernos,
Lacanau furent détachés
de la seigneurie de Blanquefort qui s'étendait du
Bordelais jusqu'à l'Océan et aux rives du Bassin. Du
milieu du 13e siècle — et même sans doute bien avant
— jusqu'au début du 17e, ces trois fiefs restèrent
groupés dans la dépendance des Seigneurs d'Audenge.
Les origines de cette
grande seigneurie
à trois fiefs
s'expliquent autant par la géographie que par le
fait des successions et donations dans la famille
Blanquefort.
Comme on l'a vu, c'est
donc au début
du 11e siècle, que plusieurs seigneuries apparurent
en Bordelais et en Médoc. Entre Garonne et Océan, du
nord au sud, la presqu'île médoquine se trouva
divisée en trois territoires : Lesparre, Castelnau,
Blanquefort. C'est ainsi que la seigneurie de
Blanquefort s'étendait jusqu'à l'océan et au Bassin
dont elle occupait tous les rivages est. Les places
fortes de Lesparre, Castelnau, Blanquefort avaient
pour rôle principal d'assurer la
défense
des terres cultivées en bordure du fleuve. Mais,
au-delà des immenses landes, isolées près du Bassin
et des étangs, une série de petits villages et
paroisses vivaient une existence médiocre et
indépendante de leur chef-lieu lointain.
Inéluctablement ces paroisses côtières devaient un
jour ou l'autre acquérir leur indépendance.
Les trois premiers
seigneurs d'Audenge issus de la famille de
Blanquefort et qui peuvent
être identifiés
portèrent tous le prénom de Bernard et le nom de
Blanquefort, puis celui d'Ornon (cf. Avant-Propos)
1°) Les Blanquefort,
chevaliers, vassaux du roi d'Angleterre.
En 1079, Eyquem
Guillaume de Blanquefort et le duc d'Aquitaine
firent donation de Bruges
à l'abbaye de la
Sauve. (2)
Ainsi même
avant la fin du 11e siècle, la
famille
de Blanquefort était-elle déjà notoire et
importante.
L'origine du fief
d'Audenge pourrait donc remonter au 11e ou 12e siècle.
C'est l'époque où, semble-t-il, l'ancienne église
d'Audenge fut construite.
Les archives du château
de Mauvezin, en Lot et Garonne, contenaient au
siècle dernier une charte d'un intérêt fondamental
pour la connaissance des
origines
d'Audenge (3). Dans cette charte datée du 5.9.1275,
il était précisé que les habitants de Mios et de
Salles — nommément désignés — reconnaissaient
Bernard de Blanquefort pour leur seigneur. Ce
Bernard, encore mineur à cette époque, est
représenté par son oncle Amaubin de Blanquefort et
il est le fils d'un autre Bernard, seigneur
d'Audenge.
Les manants
« comme déjà leurs
ancêtres » s'engagent à payer les rentes
foncières à leur Seigneur, à transporter le bois au
port de Mios, à assurer la garde du château
d'Audenge en temps de paix comme en temps de guerre.
Ils reconnaissent enfin à Bernard l'exercice de la
justice sur leurs paroisses. Tous les droits féodaux
caractéristiques et constitutifs de la pleine
puissance seigneuriale sont ainsi reconnus au
seigneur d'Audenge. Le texte sous-entend aussi
l'ancienneté des devoirs à rendre à Audenge.
La levée
d'impôts, qui était la conséquence des
reconnaissances féodales, n'allait pas sans mal. En
1290, Bernard de Blanquefort dut s'adresser au roi
d'Angleterre, son suzerain, pour être mis en
possession des prestations seigneuriales qui lui
étaient dues à Salles et Mios par la comtesse de
Fronsac. (4)
Encore en 1290,
incident beaucoup plus sérieux,
Bernard adressa au roi-duc une pétition à fin de
sauvegarder ses droits sur les vilains de Salles et
de Mios qui se prétendaient francs parce qu'ils
s'étaient réfugiés à Bordeaux pendant la guerre
(5).
Ce texte est intéressant car il illustre bien la
nature de la vassalité : Bernard n'avait su, ou pu,
assurer la protection de ses vassaux, en conséquence
ceux-ci lui contestaient la plénitude de son
autorité seigneuriale. Bernard de Blanquefort
répondit qu'il était alors au service du roi et
qu'il y avait là un cas de force majeure.
La dépendance
de Mios et de Salles à l'égard d'Audenge prit fin au
début du siècle suivant ; peut-être cette rupture
fut-elle une conséquence du litige de 1290. Mios
passa dans le patrimoine du « Captal de Buch et
de Certes » qui s'en rendit acquéreur et Salles
devint indépendant.
Ces premiers seigneurs
d'Audenge
étaient donc des chevaliers et ces chevaliers
étaient d'abord et surtout de fidèles vassaux du roi
d'Angleterre. D'ailleurs, il n'était pas possible
qu'ils ne le fussent pas. Un témoignage précis de
cette soumission féodale nous est donné par le rôle,
établi le 11 novembre 1308, des chevaliers
que le roi-duc dédommagea
pour les pertes qu'ils avaient subies dans la
dernière guerre contre le roi de France. Bernard de
Blanquefort fut ainsi crédité de 588 livres 6 sous
et 4 deniers d'indemnités. (6)
Il n'empêche
que lorsque les circonstances étaient favorables —
et notamment pendant la période 1320-1330 — les
seigneurs ou nobles d'Aquitaine ne manquèrent jamais
l'occasion de faire appel au roi de France en cas de
litige avec le roi-duc. (7).
2°)
Les Blanquefort, seigneurs d'Audenge, luttent
pour leur indépendance.
L'origine du fief
d'Audenge, son détachement
de la Seigneurie de Blanquefort nous sont attestés
par plusieurs actes établis à l'occasion de litiges
qui opposèrent Bernard de Blanquefort et ses
successeurs aux seigneurs de Blanquefort. Ces
litiges avaient pour objet d'affirmer l'indépendance
et l'autonomie complète du fief d'Audenge, aussi
bien au sujet de l'hommage de vasselage, qu'au sujet
de l'exercice de la justice.
Bernard de Blanquefort
appartenait à
une vieille famille qui portait le nom de ce fief.
Il était issu d'un frère cadet d'un seigneur de
Blanquefort qui, jadis, avait reçu Audenge en
apanage. Il prétendait que, selon les usages du pays
Bordelais, il ne devait pas l'hommage au seigneur de
Blanquefort, mais seulement au roi de France. Le duc
d'Aquitaine, roi d'Angleterre, trancha le litige
dans les conditions suivantes :
En avril 1302, le
roi-duc avait fait donation de Blanquefort
à Bertrand de Goth, un
neveu du Pape Clément V, ce bordelais élu Pape en
1305. Comme ses prédécesseurs de la famille
Blanquefort, Bertrand de Goth exigea à son tour
l'hommage de Bernard II de Blanquefort, seigneur
d'Audenge ; mais, en vain. Il exigeait aussi
l'hommage de l'épouse de Bernard, Aude de Tyran,
héritière de son père, le seigneur Gombaud de Tyran.
La petite seigneurie de Tyran, située en Médoc,
avait elle aussi été détachée de la vaste seigneurie
de Blanquefort. Aude refusait l'hommage pour les
mêmes raisons que son mari. Le roi-duc était
désireux de se concilier le Pape et sa famille. Par
une charte du 16 janvier 1313, dans laquelle se
trouvent exposés les arguments rappelés ci-dessus,
et notamment l'origine d'Audenge, le roi-duc tourna
la difficulté. Sans mettre en cause l'argumentation
avancée par Bernard de Blanquefort et son épouse, il
transporta à Bertrand de Goth l'hommage qui lui
était dû à lui-même en sa qualité de duc
d'Aquitaine. (9) Cette habileté trancha le litige,
sans le régler définitivement. Au cours des périodes
et siècles suivants, en effet, on ne trouve aucune
trace d'un hommage du seigneur d'Audenge au seigneur
de Blanquefort. Très probablement le roi de France
n'approuva pas ce transfert d'hommage de vasselage.
Audenge fut toujours en effet un fief mouvant du duc
d'Aquitaine, puis du roi de France « pour son
duché de Guyenne », mais jamais plus de
Blanquefort.
3°) Les
seigneurs d'Audenge luttent pour la justice
Il ne s'agit pas du
tout de combats pour la juste cause mais des luttes
que Bernard de Blanquefort et ses successeurs menèrent
inlassablement contre les seigneurs de Blanquefort,
sinon contre le roi d'Angleterre lui-même, pour se
faire reconnaître la haute et basse justice dans
leur fief d'Audenge.
On doit préciser
que le droit d'exercer la justice était, comme les
redevances foncières, comme le droit de saisir les
épaves, une source de profits apprécia
blés. Il
s'agissait d'un droit patrimonial spécifique et
nullement d'un droit honorifique. On pouvait vendre
l'ensemble des droits fonciers afférents à une
seigneurie et se réserver les droits de justice et,
inversement, on pouvait vendre les droits de justice
sans les droits fonciers relatifs au même fief. Les
exemples de telles dispositions sont nombreux dans
notre région.
De même
qu'il entendait être libre d'hommage à l'égard du
seigneur de Blanquefort, de même le seigneur
d'Audenge entendait exercer lui-même la justice qui
d'ailleurs était susceptible, dit-on, de rapporter
20 à 25 % des revenus d'un fief.
Le 1er
avril 1305, le roi d'Angleterre confirma
à Bernard de
Blanquefort l'exercice de la justice
(10). Mais
cette justice allait être contestée par les
seigneurs de Blanquefort quelques années plus tard
sinon par les officiers du roi-duc, ainsi qu'on va
le voir.
4°) Andernos et Lacanau, fiefs
d'Audenge
Le rattachement
d'Andernos et de Lacanau au fief du château
féodal d'Audenge n'a pas été signalé jusqu'ici, semble-t-il
L'abbé Baurein, dans ses précieuses «
Variétés bordeloises » n'évoque pas cette
dépendance qui dura cependant quatre siècles au
moins, mais il a consacré tout un chapitre à la
maison noble d'Angludet située dans la paroisse de
Cantenac en Médoc, qui relevait à foi et hommage de
la seigneurie d'Audenge. Dans ce chapitre, il évoque
les origines d'Audenge et le litige tranché par la
charte du 16 janvier 1313.
Concernant l'ancienneté
du rattachement d'Andernos et de Lacanau, il faut
puiser à des sources restées longtemps inconnues. La
première est le contrat de mariage de Bernard de
Blanquefort de 1314, la seconde est un texte du
Trésor des chartes légèrement postérieur à ce
mariage.
Ce contrat de mariage,
rédigé en
gascon (11) ne précise pas la filiation de l'époux.
Celui-ci est qualifié « donzet, seigneur
d'Audenge ». L'épouse est Mabille d'Escoussans
qui appartient à une famille très notoire de
l'époque. Il s'agit vraisemblablement de Bernard III
de Blanquefort. (12) Ce contrat précise que les
engagements pris par l'époux en faveur de sa femme
seront garantis, en cas de prédécès par les revenus
de ses possessions d'Andernos et Carcan.
Ainsi, dès ce début du 14e siècle,
Andernos se trouvait placé dans la dépendance
d'Audenge et peut-être même le détachement
d'Andernos et d'Audenge, de Blanquefort, furent-ils
concomitants. La similitude de forme des deux fiefs,
en tout état de cause, est bien curieuse. D'autre
part, nous pensons que la transcription « Carcan
» n'est pas exacte. Carcans relevait de Lesparre
et non de Blanquefort. Nous croyons qu'il faut lire
« Canau », forme ancienne de Lacanau.
La dépendance
de Lacanau au fief d'Audenge est attestée en 1348 à
l'époque de Gaillard d'Ornon, gendre de Bernard de
Blanquefort.
Cette question de dépendance
est clairement explicitée par le document. I. 1024, n° 36, du Trésor
des chartes. Il s'agit d'une requête adressée par Bernard de
Blanquefort, seigneur d'Audenge, au roi de France, pour soutenir
qu'il possède tous les droits d'emprisonner, condamner et exécuter
certains criminels contre les prétentions du roi d'Angleterre, mais
aussi pour soutenir qu'il possède les droits d'épave sur la côte
océane
Ce texte précise
que « le dit Bernard est en possession d'exercer
la juridiction
haute et basse et pouvoir majeur dans son château
et motte d'Audenge... qu'il est en possession
d'exercer la dite justice sur le littoral et côte de
l'océan et appartenances de la dite côte qui
s'appelle côte de La Canau et de Talaris qui est
entre la côte du seigneur d'Esparra d'une part, et
la côte des doyens et chapitre de St-André de
Bordeaux d'autre part, et qu'il a le droit de
s'approprier les épaves et marchandises...
»
Ainsi Bernard de
Blanquefort possède
les côtes et rivages situés entre Lège (Chapitre de
la cathédrale de Bordeaux) et Lesparre. Il s'agit
donc de Lacanau, ce qui est explicite ; mais
cette côte est aussi celle du Porge,
puisqu'elle est voisine de Lège. Cette seconde
mention mérite d'être soulignée, car elle atteste
que, déjà, la côte du Porge échappe aux Castelnau,
seigneurs du Porge, et cette situation très
particulière se retrouvera tout au long de
l'histoire des seigneuries de Castelnau et du Porge.
Elle permit même, après la Révolution, un procès en
revendication des dunes distinct du procès relatif
aux landes.
5°)
Les revenus d'un seigneur côtier
La possession de la côte
océane présentait un intérêt économique bien précis.
Elle assurait les droits de varech et la saisie
des épaves. Les épaves échouées furent toujours
nombreuses et, en 1666, Pierre Damanieu de Ruât
soulignait encore leur importance dans sa lettre à
Mazarin. (13) Le Moyen-âge connut de nombreux et
importants litiges entre seigneurs riverains qui se
disputaient la propriété des épaves. Les démêlés du
chapitre de St-André et du captai de Buch au sujet
des épaves de Lège furent âpres.
Bernard de
Blanquefort, lui aussi, au cours des années
1320-1330, défendit son droit sur les épaves, droit
que les officiers du roi-duc lui contestaient. Cette
contestation est le second objet du litige soumis au
roi de France dans la requête précitée. Là encore,
il obtint gain de cause ; mais le litige rebondit
plus tard, comme on va le voir.
Redevances foncières,
droits de justice, droits de varech et d'épaves
n'étaient que des revenus bien modestes pour des
chevaliers qui devaient assurer la défense de leur
fief et pourvoir à l'équipement de leurs compagnons
pendant les chevauchées guerrières, aussi
cherchaient-ils dans des activités complémentaires à
s'assurer d'autres ressources. A l'exemple des
nobles anglais, les nôtres possédaient des
navires ou étaient armateurs. Ainsi en 1315,
Bernard de Blanquefort était encore en conflit avec
Amanieu de Fossat, le lieutenant du sénéchal anglais
; il accusait les gens du sénéchal de s'être emparés
d'un navire qui appartenait à ses vassaux et à
lui-même. (14)
6°) Le titre de baron d'Audenge
Au cours du 138me
siècle, les
titres nobiliaires se généralisèrent. Celui de baron
et, par suite, celui de baronnie, étaient
pratiquement les seuls en usage dans notre région,
outre celui de chevalier ou écuyer (donzet).
(15)
Les conditions dans
lesquelles le titre
était donné, ou porté,
ne sont pas claires. Il apparaît, cependant, que la
baronnie était un fief doté de la plénitude des
droits fonciers, des droits de justice et sans doute
des droits honorifiques. Peut-être, Bernard de
Blanquefort prit-il aussi ce titre de baron parce
qu'il était un des plus notoires chevaliers de son
temps et un fidèle du roi d'Angleterre ; cette
qualité lui aurait alors conféré le titre de baron,
le plus haut de ce temps.
Déjà,
dans un acte du 28.8.1322, concernant l'exécution
des clauses de son contrat de mariage avec Mabille
d'Escoussans, Bernard de Blanquefort se qualifiait
« noble
baron Bernard de Blanquefort ». Ainsi Audenge
était-elle une baronnie.
Tout au long du Moyen-âge,
on ne trouve que trois baronnies autour du Bassin :
celle de Lège, la plus ancienne ; celle d'Audenge ;
celle de « Buch et Certes » (16). Certes devint «
seigneurie ou Terre de Certes », beaucoup plus
souvent que « Captalat de Certes ». Sur ce
point, d'ailleurs, un litige dont on parlera dans
d'autres circonstances, s'ouvrit.
Andernos et Lacanau
devinrent «
baronnies », et cela par assimilation, autour
des années 1620, lorsque la baronnie d'Audenge fut
démembrée.
Par ailleurs, c'est
à l'époque de
Bernard de Blanquefort que se situent les premiers
textes où le seigneur de Lacanau intervint sous son
nom de seigneur d'Audenge. Ces textes peuvent
paraître équivoques ou aberrants si l'on n'est pas
prévenu de la signification des titres portés par
les seigneurs de l'époque. Le 3.1.1322, un accord
fut signé entre les seigneurs de Lesparre et
d'Audenge concernant les pacages dans la lande de
Lacanau. Il y est dit que : « de temps
immémorial, les manants de la seigneurie d'Audenge
et tous autres ont la faculté de
conduire - moyennant le consentement des dits
seigneurs - toutes sortes de bestiaux dans
les landes situées
entre le ruisseau de Lacanau et le lieu-dit Le Poth
qui est situé à l'entrée de la forêt de Lesparre
»
(17).
Très probablement, « seigneurie d'Audenge »
signifie « seigneurie de Lacanau ».
Enfin, dans le
manuscrit de la Bibliothèque
Nationale, n° 5516, consacré à la terre de Lesparre,
et daté de 1451, il est dit : «...
commençant au Pas de Grave du côté du nord et
allant le long de la grande côte et sables de la
dite grande mer et tant qu'elle dure jusqu'à
l'endroit des terres et baronnies d'Odenge et
Lacanau, vers le midi... »
Ce texte confirme bien
l'interdépendance
d'Audenge et de Lacanau. |